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Ar(r)ian, arianglo = fr. vautour. Étymologie: eri- (= aigle) affixé (-anu) ou en composition (-aquilu)

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Dans un post précédent, nous avions relié les mots basques kaheka (chouette) et gauhontz (hibou) à l'etimon indoeuropéen *kaw representé en celtique et en roman par les mots  kawos (cauus, oc. còis, caús; gascon: guèhus, gahús = hibou, chouette), kawa (caua, a.fr. choue, esp. chova = chouette, corvidé genre choucas, chocard), kauannos (cauannus, chat-huant , breton kauann, kauenn etc), kauekka (caueca, òc cavèca, gasc; gavèca, fr. chevêche irl. caóg, gael écos. cathàig= chouette, hibou; gallois cauci= choucas des tours) et kauetta (cauetta, fr. chouette) qui désignent des rapaces nocturnes et des corvidés.

Aujourd'hui je vous propose de nous intéresser à une série de mots pyrénéogascons qui signifient vautour: arrian (n vélaire) var. arian, arianglo et trango. Rohlfs a rapproché ces deux premiers mots avec le mot basque "arrano "qui signifie aigle et a suggéré une dérivation phylogénétique des mots gascons à partir du mot basque. Cette hypothèse n'est pas vraiment satisfaisante dans l'état. On ne voit pas vraiment comment arrano aurait pu conduire à ar(r)ian e arianglo.  L'hypothèse de Rohlfs ne fut d'ailleurs pas acceptée par Coromines qui nous a proposé une autre piste. Le mot arianglo serait composé de deux mots, l'un d'origine latine "a(n)glo", forme masculine ou masculinisée d'agla (aigle, du latin aquilus/a = marron- fauve, aquila =  l'aigle, c'est-à-dire littéralement la "fauve", la "marron"), l'autre non-latin mais tout de même indoeuropéen: "ari". Dans le Val d'Aran, Coromines a recueilli un troisième mot synonyme : trango (Coromines, el parlar de la Vall d'Aran), où il y retrouve le mot ang(l)o en composition. Pour l'élément intial tr ou tra , Coromines suggère vultur (vautour)= *vulture aquilu -> trango. Franchement, cette dernière proposition ne me plait guère car elle nous éloignerait trop du chemin phonétique qui conduit du latin vulture au mot butre, buitre (=vautour) en roman et en gascon en particulier. Par contre, pourquoi pas remplacer vultur(e) par "astor(e)" qui a donné estor en gascon, astore-aquilu - est(o)r-ang(l)o - estrango - es trango (par confusion avec l'article défini (ip)se ou ille -( eth) - trango  cela me parait bien plus cohérent phonétiquement,

Quant au mot qui serait associé à aquil(us/a) dans arianglo, le 'ari', Coromines supposait un mot indo-européen, peut-être un mot gothique ("ar" en gothique signifiait aigle). Ce n'est pas impossible, mais je serais plutôt tenté d'y voir un descendant du mot  celtique "*er( i)nos"  (aigle en gaulois, le mot basque arrano pourrait descendre du mot celtique également), d'autant que ce mot gaulois a laissé des traces nettes en latin gallo-romain, en particulier dans la région du Haut-Comminges. Ce mot semble avoir eu la forme eri- en composition selon  X. Delamarre (Dic. Langue Gauloise) qui nous renseigne avec les syntagmes "eribogios" ="aigle frappeur; "eridubnos" = aigle noir; "erepus", "eripus", "Eriapus" (théonyme, nom de divinité sur une inscription gallo-romaine à St Béat, Haut-Comminges) qui se traduirait lirttéralement par Oeil d'Aigle ou plutôt Semblable à l'Aigle (rapace? vautour? ) v. Delamarre pour les interprétations et les références. Le mot est aussi un nom de personne gauloise ou gallo-romaine : Errus (de *Eriros), Erredius, Errimus ("l'Aquilinissime"), Errimocito ("Qui a la puissance de l'aigle"). Arianglo pourrait alors se traduire mot-à-mot par  "aigle-aigle mâle" (cf. trango), ou bien même plus simplement par "aigle-fauve" car aquilus signifiait fauve (la couleur marron) en latin.  Cette dernière interprétation a un sens (cf. eridubnos = aigle noir), car ni les celtes ni les vascons n'avaient de mot spécifique pour signifier la couleur marron fauve. Le basque a emprunté le mot "marroi" au roman (marron). Pour dire vautour, le basque dit "sai", vautour fauve (Gyps fulvus)= "sai arrea" (lit. vautour gris, vautour sale), on dit aussi "arranobeltz" (lit. aigle noir).

Le deuxième mot arrian  ou arian serait de formation plus simple, forme affixée d'erri avec -an (proto-roman: e(r)rianu :qui appartient à l'aigle, l'Aquilin). La construction de *errianu par rapport à *erriu est la même que celle de lugran par rapport à lugra / lugre. Le n final d'arrian est vélaire (-ng) comme celui de lugran. Le passage de e(r)ri à a(r)ri n'est pas très surprenant en gascon, e et le a pretoniques se prononçaient vraisemblablement de la même façon en gascon ancien, cf. trebuc vs trabuc, demorar vs damorar etc..

Le fait que le nom celtique de l'aigle soit associé à une divinité (attestée par cette inscription gallo-romaine dans le Comminges) a pu favoriser sa conservation par les "Vascones" des bords de Garonne qui ont gardé ou assimilé un certain nombre de mots de la religion des Celtes. Un bon exemple est le mot "taram" qui signifie tonnerre en gascon, du gaulois Tarannos le dieu de la foudre, ce fait est relevé par X. Delamarre (Dictionnaire de la Langue Gauloise, adresse Tarannos) et relisons aussi ce vers de Bernat Sarrieu, écrit dans un élan très romantique:  L'as aujit, et Taram, lounh, et Taram? (Era perigglado). Il y aussi les mots de la famille de lugre, lugran etc (de Lugra, la "Brillante", nom de la lune en celtique ancien). La liste des celtogasconismes comprend aussi des noms de poissons migrateurs de l'estuaire de la Garonne: colac (alose, lit. "pointu"), creac (esturgeon, lit. "carapacé") et aussi à celui du cachalot: caverat (anciennement caverac: lit. colossal, gigantesque).  Tous ces étymons celtiques sont propres à la langue gasconne, on ne les retrouve nulle part ailleurs dans la Romania. Il convient de souligner ce point car il est trop souvent ignoré ou passé sous silence.






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